Présentation
Le Serpent du rêve est un livre de 350 pages écrit par Vonda McIntyre. Il est paru pour la première fois en France en 1979 et a connu trois éditions (Robert Laffont, J’ai Lu, et Le Livre de Poche). La traduction a été assurée par Jean Bailhache, et les couvertures illustrées par Giuseppe Mangoni et Jackie Paternoster. En 1973, Vonda McIntyre reçoit le prix Nebula pour sa novella « De Source, Sable et Sève ». Quelques années plus tard, elle décide de réécrire ce récit sous forme de roman : Le Serpent du rêve. Le texte sera alors à nouveau récompensé, cette fois-ci par trois prix prestigieux : le Nebula, une seconde fois donc, et les prix Locus et Hugo.
Le livre proprement dit
Serpent est le nom d’une guérisseuse parcourant le monde pour prodiguer ses soins aux malades ou atténuer leurs souffrances. Elle est aidée par trois petits assistants fort… répugnants : des serpents ! Malheureusement, l’un d’eux vient à disparaître et, sans lui, Serpent n’a plus le droit d’exercer son métier. Elle est obligée de se rendre au centre des guérisseurs pour que ses formateurs statuent sur son sort. Soit ils lui permettront de racheter sa perte et de continuer à pratiquer soit, ce qui est beaucoup plus probable, ils lui interdiront tout bonnement d’être guérisseuse. Elle essaie par tous les moyens de trouver un autre serpent du rêve. C’est un animal très rare, puisqu’il vient d’Outreciel. Il a un mode reproduction erratique que les généticien·nes n’arrivent pas à comprendre, et encore moins à restituer en laboratoire. Pour se rendre au centre, Serpent traverse toute sorte de territoires. Elle rencontre une multitude de gens qui ont tous leur propre histoire, des personnes auxquelles elle s’attache plus ou moins, et dont certaines vont même bouleverser sa vie.
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Le déroulement du récit est lent, il y a peu d’actions, pas de vaisseaux intergalactiques avec plein de lumières clignotantes, pas de planètes, pas de satellites. Nous sommes loin des navettes propulsées au dilithium à vitesse de distorsion dont Vonda McIntyre est une grande spécialiste (elle a écrit plusieurs romans dans l’univers de Star Trek). En terme de science, l’autrice ne nous parle que de génie génétique. Malgré tout, on est très vite happé par cette ambiance, on visualise, on se projette très facilement dans cet univers étrange qui, comme on le découvre peu à peu, n’en est pas moins post-apocalyptique : le monde a été ravagé par la folie des humain·nes et par l’explosion de bombes atomiques. Le discours est parfois très écologiste (par exemple, il y a une guilde de « Ramasseurs », qui récupèrent et recyclent tout ce qu’ils trouvent), on économise l’eau, on partage beaucoup. Le Serpent du rêve est un roman très agréable à lire. C’est un livre reposant, « planant ». On s’attache très vite aux personnages, et on a hâte de voir où leurs prochaines aventures vont les mener.
Malgré ma peur panique et mon dégoût des serpents, j’ai beaucoup aimé cette histoire, elle sort complètement des sentiers battus, des sujets mille fois traités. Pour moi, c’est vraiment une très belle découverte, et un grand roman de science-fiction.
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Incipit
Le petit garçon avait peur. Avec douceur, Serpent posa la main sur son front brûlant. Derrière elle trois adultes se tenaient coude à coude, méfiants, s’interdisant de trahir leur inquiétude, sinon par les plis étroits qui cerclaient leurs yeux. Ils craignaient Serpent autant qu’ils redoutaient la mort de leur seul enfant. Dans la pénombre de la tente, l’étrange lueur bleue de la lanterne n’avait rien de rassurant.
L’enfant ouvrait des yeux si sombres que les pupilles n’étaient pas visibles, si ternes que Serpent elle-même craignait pour ses jours. Elle lui caressa les cheveux. Ils étaient longs et très pâles, secs, irréguliers jusqu’à cinq à dix centimètres du cuir chevelu, et leur couleur faisait un contraste frappant avec son teint basané. Si Serpent avait connu ces gens quelques mois auparavant, elle aurait déjà pu savoir que l’enfant était malade et que son état s’aggravait.
- Apportez-moi ma sacoche, dit Serpent.
Vonda McIntyre en 2006, photo reproduite avec l'aimable autorisation de Michael Ward |
La notice de l’autrice
Vonda McIntyre est une autrice américaine. Elle est née à Louisville, dans le Kentucky, en 1948, et est décédée en 2019, à l’âge de 70 ans, à Seattle, dans l'État de Washington.
Elle est diplômée de biologie et de génétique.
Vonda McIntyre compte à son actif une trentaine d'œuvres : beaucoup de nouvelles, quelques novellisations et romans dans les univers de Star Wars et de Star Trek, mais aussi des romans indépendants qui ont reçu de nombreux prix prestigieux.
Malgré cela, le décès de Vonda McIntyre, en avril 2019, est passé totalement inaperçu en France : seuls deux sites lui ont consacré un petit article. La presse française s'était pourtant très largement fait l'écho du décès d'une autre autrice, Janet Opal Jeppson. Loin de moi l'idée de vouloir opposer une femme à une autre, c'est plutôt le traitement qui leur est réservé qui m'intéresse. Janet a autant écrit que Vonda McIntyre, surtout des nouvelles et des romans pour enfants, mais elle n’a jamais reçu aucune récompense pour ses œuvres. Janet a-t-elle donc quelque chose de plus que Vonda, pour qu'on lui rende un tel hommage à sa mort, en février 2019, alors qu’on oublie complètement l’autre écrivaine, décédée en avril de la même année ? Oui, Janet a quelque chose de plus, ou plutôt quelqu’un : son mari, un nom fameux de la SF (Isaac Asimov). Sans lui, il est probable qu'on n'aurait jamais parlé de Janet Opal Jeppson non plus, en tout cas en France.
Les journaux du monde entier ont en effet relayé le décès de Vonda McIntyre, et seule la France semble avoir oublié de relever l’événement. C’est caractéristique des médias français. Les femmes sont rarement mises en avant pour ce qu’elles réalisent, pour les œuvres extraordinaires qu’elles accomplissent ou écrivent. En revanche, les médias semblent tout à coup s’apercevoir de leur présence lorsqu'ils peuvent parler de leur mari, de leur père, de leur frère, etc. Bref, ils jugent qu’il y a matière à faire un article si un homme est impliqué. Pour une « simple femme », aussi épatante soit-elle, personne ne se donnera cette peine. À quoi bon, ça reste une femme, après tout ! Ouvrez n’importe quel journal ou magazine généraliste et, rien qu’en regardant les photos, amusez-vous à compter le nombre de femmes et le nombre d’hommes qui apparaissent, vous serez surpris·es. Si vous voulez pousser un peu plus loin, comptez le nombre d’articles se rapportant à des hommes et ceux qui se rapportent à des femmes. C’est tout à fait consternant.
Heureusement, s’il est bien un endroit où Vonda McIntyre et aucune autre femme ne sera oubliée, c’est ici !
Bonne lecture.
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Merci pour cette belle chronique de ce très très beau et vraiment différent roman.
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